Consultation du CSE sur la situation économique et financière de l’entreprise 

responsabilité employeur

Le CSE d’établissement ne peut recourir à un expert si aucun accord collectif ou décision de l’employeur ne prévoit sa consultation

Depuis plusieurs mois, la Cour de cassation s’attache à éclaircir les règles de répartition des attributions entre le CSE central et les CSE d’établissement et les expertises pouvant en découler.

Dans un arrêt du 20 septembre 2023 (n°21-25.233), celle-ci précise pour la première fois que lorsqu’aucun accord collectif d’entreprise ou décision de l’employeur ne prévoit que la consultation sur la situation économique et financière aura lieu au niveau du CSE d’établissement, ce dernier ne peut désigner d’expert, cette faculté étant, dans cette hypothèse, réservée au CSE central.

Cet arrêt s’inscrit dans la droite ligne de la jurisprudence récente rendue par la Cour de cassation et confirme le lien qui doit être fait entre le niveau de consultation du CSE et le droit de ce dernier de recourir à une expertise.

Rappel des faits et de la procédure

En l’espèce, le Comité social et économique d’un des établissements de l’Association interdépartementale pour le développement des actions en faveur des personnes handicapées et inadaptées décidait, par délibération du 17 juin 2021, de recourir à un expert-comptable en vue de la consultation sur la situation économique et financière.

Estimant qu’une telle consultation ainsi que la désignation de l’expert ne pouvaient être décidées au niveau du CSEE, l’Association saisissait le président du tribunal judiciaire d’Orléans afin qu’il prononce l’annulation de cette délibération.

Par décision du 26 novembre 2021, le tribunal judiciaire déboutait l’employeur de sa demande, jugeant que la possibilité du CSE central d’être assisté par un expert-comptable pour l’examen annuel de la situation économique, « ne prive pas le CSE d’établissement d’une telle possibilité ».

Il ajoutait que « le CSEE dispose d’une autonomie suffisante et dans les limites de pouvoirs confiés au chef d’établissement, d’être assisté par un expert-comptable pour l’examen des comptes annuels, et donc plus largement de la situation économique et financière de l’établissement ».

L’Association décidait de se pourvoir en cassation.

La décision

L’employeur soutenait devant la Cour de cassation que le CSE d’établissement ne pouvait recourir à un expert dans la mesure où sa consultation sur la situation économique et financière de l’entreprise n’était prévue ni par accord collectif d’entreprise ni par décision unilatérale de sa part.

Pour fonder son argumentation, l’Association invoquait deux dispositions du Code du travail :

  • L’article L.2315-88 du Code du travail, qui dispose que le CSE peut recourir à un expert-comptable en vue de la consultation sur la situation économique et financière de l’entreprise prévue à l’article L2312-17 du même code ;
  • L’article L.2312-22 du Code du travail, qui prévoit quant à lui qu’en l’absence d’accord d’entreprise ou si l’employeur n’en dispose pas autrement, la consultation sur la situation économique et financière de l’entreprise doit être conduite au niveau de l’entreprise.

Elle rappelait qu’en l’espèce, aucune décision de sa part ni d’accord collectif d’entreprise ne prévoyait une consultation du CSEE sur la situation économique et financière de l’entreprise, de sorte que la consultation devait avoir lieu au niveau du CSE central.

Elle en déduisait que seul le CSE central était autorisé à recourir à une expertise.

La question posée à la Cour de cassation était donc la suivante : l’autonomie dont dispose le CSE d’établissement lui permet-elle de recourir à un expert dans le cadre de la consultation sur la situation économique et financière de l’entreprise, alors même qu’aucun accord ni décision de l’employeur ne prévoyait de consultation à ce niveau ?

Aux visas des articles L.2312-22 et L.2315-88 du Code du travail, la Cour de cassation a répondu par la négative et donné raison à l’employeur.

Selon une lecture combinée de ces deux articles, les Hauts magistrats ont en effet considéré que dans la mesure où aucun accord collectif ne prévoyait que la consultation sur la situation économique et financière de l’entreprise devait intervenir au niveau du CSEE et où l’employeur n’avait pas décidé de le consulter, celle-ci relevait uniquement du CSE central.

Il devait donc en être déduit, comme l’invoquait l’employeur, que le CSEE ne pouvait recourir à une expertise dans le cadre de cette consultation.

La portée

Cette décision, bien qu’inédite, s’inscrit dans la droite ligne des récents arrêts rendus par la Cour de cassation.

Pour mémoire, dans un arrêt du 16 février 2022 (n°20-20.373), la Cour de cassation avait déjà eu l’occasion de se prononcer sur le droit de recourir à une expertise par un CSE d’établissement dans le cadre de la consultation sur la politique sociale.

Pour rappel, toujours selon l’article L.2312-22 du Code du travail précité, en l’absence d’accord d’entreprise organisant notamment le niveau des consultations, la consultation sur la politique sociale de l’entreprise, les conditions de travail et l’emploi, est conduite à la fois au niveau central et au niveau des établissements lorsque sont prévus des moyens d’adaptation spécifiques à ces établissements.  

La Cour de cassation avait ainsi jugé qu’en l’absence d’accord collectif d’entreprise en disposant autrement, lorsque le CSEE était consulté au titre des mesures d’adaptation spécifiques définies dans le cadre de la politique sociale de l’entreprise, il pouvait valablement avoir recours à un expert dans le cadre de cette consultation.

Quelques semaines plus tard, la Cour de cassation admettait qu’en présence d’un accord d’entreprise aménageant les consultations récurrentes entre le CSE central et les CSE d’établissement et réservant lesdites consultations au niveau central, le droit de recourir à une expertise ne pouvait être ouvert au CSE d’établissement (Cass. soc. 9 mars 2022, n°20-19974).

L’arrêt du 20 septembre 2023 vient ainsi confirmer la tendance jurisprudentielle qui se dessinait, consistant à corréler le niveau de consultation choisi par accord collectif d’entreprise ou défini à défaut par le Code du travail, avec le droit de recourir à une expertise.

Il convient donc d’être particulièrement vigilant dans la rédaction des accords d’entreprise fixant le niveau des consultations récurrentes entre le CSE central et les CSE d’établissement, puisque c’est lui qui déterminera si une expertise pourra être ou non ordonnée.

Par Virginie Audet, Avocate associée et Laura Guilloton, avocate collaboratrice chez ACTANCE AVOCATS

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