Focus sur le projet de loi renforçant les outils de gestion de la crise sanitaire

Au terme de trois jours de débats, les députés ont adopté en première lecture, le 6 janvier à 5h25 du matin, le projet de loi renforçant les outils de gestion de la crise sanitaire. Le texte a obtenu 214 voix pour, 93 contre et 27 abstentions.

Pierre-Edouard Verdier et Aymeric de Lamarzelle reviennent sur ce projet de loi prévoyant la mise en place d’un pass vaccinal et ses potentielles conséquences sur la gestion des ressources humaines des entreprises.

 I – Ce que prévoit le projet de loi à date

 1.      Le pass sanitaire, instauré par la Loi n°2021-689 du 31 mai 2021, étendu par la Loi n°2021-1040 du 5 août 2021 et prolongé jusqu’au 31 juillet 2022 par la Loi n°2021-1465 du 10 novembre 2021, est remplacé par un pass vaccinal ce qui conduirait à la mise en place des mesures suivantes si ce projet de loi est adopté en 2nde lecture par le Sénat : 

  • Le pass vaccinal sera obligatoire, pour les personnes âgées d’au moins 12 ans, pour l’accès aux bars et restaurants, aux activités de loisirs (cinémas, musées, théâtres, enceintes sportives, salles de sport et de spectacle…), aux foires et salons professionnels, aux grands centres commerciaux sur décision des préfets et aux transports interrégionaux (avions, trains, bus sauf pour motif impérieux d’ordre familial ou de santé).
  • Les professionnels travaillant dans ces lieux et services sont aussi concernés et auront donc l’obligation de se faire vacciner pour exercer leur activité.

Dans certains cas toutefois, un certificat de rétablissement à la suite d’une contamination pourra être présenté à la place du certificat de vaccination. Le décret mettant en œuvre le pass vaccinal précisera ces dérogations. Ce décret pourra exiger également, quand « l’intérêt de la santé publique » l’exige, un double pass cumulant un certificat de vaccination avec un test négatif pour certains lieux. Il devrait prévoir, par ailleurs, la possibilité pour les professionnels de disposer d’un pass vaccinal transitoire s’ils démontrent qu’ils se sont engagés dans un parcours vaccinal.

  • Néanmoins,le pass sanitaire est maintenu pour l’accès aux hôpitaux, aux cliniques, aux établissements d’hébergement pour personnes âgées dépendantes (EHPAD) et aux maisons de retraite. Les accompagnants, les visiteurs et les malades accueillis pour des soins programmés pourront continuer à présenter un justificatif de vaccination ou le résultat d’un test négatif ou un certificat de rétablissement.
  • En première lecture, par voie d’amendements, les députés ou le gouvernement ont apporté les modifications suivantes sur le champ d’application du pass vaccinal :
  • s’agissant des enfants entre 12 et 15 ans inclus, les sorties scolaires ainsi que les activités périscolaires ou extrascolaires sportives ou culturelles qui seront définies par décret seront soumis au seul pass sanitaire ;
  • les organisateurs de meetings politiques pourront demander un « simple » pass sanitaire aux participants ;
  • pour certains territoires en particulier d’outre-mer où le taux de vaccination est faible, les préfets (habilités par le Premier ministre) pourront reporter l’entrée en vigueur du pass vaccinal « lorsque les circonstances locales l’exigent« .
  • S’agissant du contrôle du passun amendement du gouvernement encadre la possibilité pour les exploitants d’établissements recevant du public (cafés, restaurants, cinémas …) d’exiger un document officiel d’identité de leurs clients.

Ces derniers pourront procéder à une vérification de la concordance entre les éléments d’identité mentionnés sur le pass vaccinal présenté par leurs clients et ceux mentionnés sur leur document officiel d’identité, en cas de « raisons sérieuses de penser que le document présenté n’est pas authentique ou ne se rattache pas à la personne qui le présente« .

  • En matière de sanctions, le gouvernement a introduit un système de repentir pour les personnes qui ne présentent pas de pass ou présentent un faux pass ou un pass appartenant à quelqu’un d’autre. Aucune peine ne leur sera appliquée si dans les 30 jours qui suivent l’infraction, elles se font vacciner. Ce dispositif s’appliquera aussi aux personnes verbalisées ou poursuivies avant janvier 2022.

2.   Il est par ailleurs prévu un dispositif d’amende administrative pour les entreprises les plus récalcitrantes à prendre des mesures pour protéger leurs salariés contre les risques d’exposition au Covid-19 (télétravail…). Les employeurs qui n’appliquent pas ces mesures, malgré une mise en demeure de l’inspection du travail, risqueront une amende administrative de 1 000 euros maximum par salarié concerné, plafonné à 50 000 euros, à la place de poursuites pénales.

II – Les conséquences probables en termes de gestion des ressources humaines

L’entrée en vigueur de cette loi ne sera pas sans impact en termes de gestion des ressources humaines. Nous identifions notamment les problématiques suivantes qui ne manqueront pas d’être rencontrées par les entreprises dans les prochaines semaines si cette loi devait entrer en vigueur et vous préconisons ainsi de les anticiper afin de limiter les éventuelles perturbations (assurer notamment une cartographie des postes qui pourraient être concernés, envisager les aménagements possibles en amont) :

  • Tout d’abord, l’absence de prolongation ou la prolongation très résiduelle, à date, des aides aux entreprises qui ne manqueront pas d’être impactées par cette « forme déguisée d’obligation vaccinale » selon les termes du Ministre de la Santé

En effet, s’agissant des aides en faveur des entreprises :

  • Les aides au paiement des cotisations et contributions sociales ont été supprimées depuis le 1er septembre 2021 ;
  • Le fonds de solidarité n’a été prévu que jusqu’au mois d’octobre 2021, les demandes devant être déposées avant le 31 janvier 2022 (décret n°2021-1581 du 7 décembre 2021) ;
  • Le dispositif de prise en charge des coûts fixes des entreprises est pour le moment étendu jusqu’au mois d’octobre 2021 uniquement ;
  • Notons néanmoins que le prêt garanti par l’Etat a été prolongé du 1er janvier 2022 au 30 juin 2022 suite à la décision de la Commission européenne du 18 novembre 2021.
  • Ensuite, la mise en œuvre du pass vaccinal en lieu et place du pass sanitaire revient, aux dires du Ministre de la santé à prévoir une « obligation vaccinale » pour tous les salariés dont l’activité professionnelle impose à ce jour au quotidien de justifier d’un pass sanitaire.

Ces salariés seraient donc tenus pour travailler de se faire vacciner. A défaut de quoi, au même titre que pour le personnel des établissements de soins depuis septembre dernier, l’employeur serait en mesure de procéder à la suspension de leur contrat de travail dans un premier temps puis d’envisager, si la situation perdure, la rupture de leur contrat de travail pour faute. Si ce projet de loi devait être confirmé par le Sénat et entrer en vigueur, il est probable (et souhaitable) que des décrets d’application viennent encadrer de tels procédures. 

  • Enfin, la mise en œuvre du pass vaccinal pour l’utilisation des transports « longue distance » ou pour certaines activités professionnelles (activité professionnelle dans des lieux imposant le pass vaccinal) aura nécessairement un impact sur les salariés non vaccinés qui seront, pour certains, dans l’incapacité de réaliser tout ou partie de leurs fonctions actuelles.

Rappelons à ce titre qu’en l’état actuel, devant l’obligation de présenter un « simple » pass sanitaire, les entreprises ont en pratique la possibilité, pour leurs salariés amenés à utiliser justifier d’un tel pass dans le cadre de leurs missions :

  • Soit d’adapter les postes des salariés concernés afin qu’ils ne soient pas tenus de présenter un pass sanitaire dans le cadre de leurs activités professionnelles ;
  • Soit de les mettre en demeure d’effectuer un test antigénique ou PCR ;
  • A défaut seulement, d’envisager une suspension du contrat de travail, voire une sanction pouvant aller jusqu’au licenciement pour faute.

Dès lors qu’un pass vaccinal sera désormais exigé en lieu et place du pass sanitaire, il faut s’attendre à ce que ces situations se multiplient et se complexifient dans leur gestion, les salariés ne disposant plus de la possibilité de justifier d’un test antigénique ou PCR et les entreprises n’ayant pas la possibilité d’imposer la vaccination à leurs collaborateurs non soumis à une obligation vaccinale stricto sensu.

Il est ainsi probable que les employeurs soient tenus d’envisager l’aménagement des postes de travail des salariés concernés et, dans l’impossibilité de le faire, d’apprécier au cas par cas l’éventualité d’une suspension du contrat de travail voir à terme d’une rupture.

***

Nous vous rappelons enfin que le texte doit désormais être examiné par le Sénat les 11 et 12 janvier pour une entrée en vigueur que le gouvernement souhaitait initialement au 15 janvier mais qui devrait a priori être reportée.

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Par Pierre-Edouard VERDIER, Avocat et Aymeric de LAMARZELLE, Avocat associé
Cabinet ACTANCE AVOCATS