Cass. Soc. 29 mai 2024 n°22-23.415
Dans un arrêt rendu le 29 mai 2024, la Cour de cassation apporte des clarifications importantes sur les conditions de caducité des accords collectifs et la portée des décisions unilatérales de l’employeur.
En l’espèce, l’employeur et un syndicat avaient signé le 27 octobre 2006 un accord instituant un régime complémentaire santé. Cet accord avait été complété par un second accord du 4 décembre 2006 fixant les modalités de cofinancement du régime par l’employeur, les salariés et le comité central d’entreprise dans le cadre de ses activités sociales et culturelles. Un dernier accord était conclu le 10 février 2009 entre le comité central d’entreprise et les comités d’établissement, afin de fixer les modalités de répartition entre eux, du financement de cette participation à l’accord frais de santé.
Le 18 décembre 2015, face aux nouvelles obligations instaurées par la généralisation de la complémentaire santé à compter du 1er janvier 2016, et compte tenu de l’échec des négociations engagées, l’employeur prenait une décision unilatérale afin d’adapter le régime existant. Une seconde décision unilatérale était adoptée le 20 décembre 2016 afin, semble-t-il, de fixer les modalités de fonctionnement du régime.
Contestant ces décisions, le comité central d’entreprise et le syndicat signataire de l’accord d’octobre 2006 assignaient l’employeur pour faire valoir que la décision unilatérale du 18 décembre 2015 avait annulé l’accord du 27 octobre 2006, relatif au régime. Selon eux, cette annulation rendait caducs les accords du 4 décembre 2006 et du 10 février 2009 sur lequel ils reposaient, et partant, la participation des comités sociaux au financement du régime, et sa répartition entre les comités d’établissements.
En effet, était également sollicitée la nullité des décisions unilatérales des 18 décembre 2015 et 20 décembre 2016, en ce qu’elles mettaient à la charge du comité central d’entreprise le règlement d’une partie des cotisations de la complémentaire santé tel que cela était initialement prévu par les accords dont la caducité était demandée.
La cour d’appel, suivant ces demandes, avait considéré que la décision unilatérale se substituait en totalité à l’accord d’entreprise du 27 octobre 2006 qui avait perdu son objet initial, ce qui rendait également caduc l’accord du 4 décembre 2006, qui reposait sur le premier accord.
La Cour de cassation a cassé cet arrêt en retenant que la dénonciation d’un accord collectif ne pouvait être implicite. Elle en conclut la simple modification d’un régime d’assurance complémentaire « frais de santé », par voie de décision unilatérale de l’employeur, après l’échec des négociations collectives engagées en vue de sa mise en conformité avec des dispositions législatives et conventionnelles nouvelles, ne rend pas caduc l’accord collectif antérieur relatif au cofinancement par les institutions représentatives du personnel de ce régime complémentaire au titre de ses activités sociales et culturelles.
Ainsi, les accords collectifs non régulièrement dénoncés restent applicables, et la participation financière des comités sociaux n’avait pu être remise en cause par la décision unilatérale de l’employeur.
Cette décision rappelle les limites des effets des décisions unilatérales de l’employeur et souligne l’importance de respecter les procédures formelles de dénonciation pour mettre fin à des accords collectifs.
Conformément à la hiérarchie des normes, si la conclusion d’un accord d’entreprise entre un employeur et une ou plusieurs organisations représentatives de l’entreprise met fin à l’engagement unilatéral de l’employeur ayant le même champ d’application et le même objet (Cass. Soc. 10 mars 2010, n°08-44.950), un accord collectif ne peut être dénoncé par une décision unilatérale de l’employeur. Il ne peut l’être que par l’une ou les parties signataires et la dénonciation doit être notifiée par son auteur aux autres signataires de la convention ou de l’accord (C. trav. Art. L.2261-9).
Les termes de la décision ne permettent pas de déterminer quelle était l’articulation entre l’accord collectif instituant le régime frais de santé et la décision unilatérale de l’employeur. Il est fort probable que cette dernière respectait le principe de faveur et améliorait le dispositif, ce qui a permis à la Cour de cassation de considérer qu’elle pouvait continuer à s’appliquer, nonobstant la survie de l’accord initial.
Par Laurence Chrébor, Associée et Thibault Galas, Counsel au sein du cabinet Actance.
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