La prévention en matière de santé et de sécurité au travail et la négociation collective

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L’entrée en vigueur, le 31 mars 2022, de l’essentiel des dispositions de la Loi n°2021-1018 du 2 août 2021 pour renforcer la prévention de la santé au travail, dite « Loi Santé », donne l’occasion de s’intéresser à la possibilité d’organiser et de rendre plus efficaces les démarches en la matière grâce à la négociation collective d’entreprise.

Sébastien Leroy expose des exemples de thèmes sur lesquels un accord collectif pourrait renforcer la prévention de la santé et de la sécurité au travail en lien avec les interventions du CSE.

 La prévention de la santé et de la sécurité au travail : des thèmes où la négociation collective devrait s’imposer

 

Si la négociation sur les conditions de travail devient, avec la loi du 2 aout 2021, un thème relevant de la négociation obligatoire prévue à l’article L.2242-17 du Code du travail, à savoir la négociation sur l’égalité professionnelle et la Qualité de Vie et des Conditions de Travail (QVCT), le lien entre la prévention de la santé et de la sécurité et la négociation collective ne relève pas de l’évidence.

Elle apparait avant tout comme une responsabilité patronale (C. trav. art. L.4121-1 et suivants), une composante essentielle de l’obligation de sécurité de moyen pesant sur l’employeur.

La négociation aurait-elle, dès lors, réellement sa place sur ces sujets ?

Le législateur a prévu, par le passé, une obligation de négociation en matière de prévention de la pénibilité (C. trav. art. L. 4163-2 dans sa version issue de la loi n°2014-40 du 20 janvier 2014), sous peine de pénalité.

Elle est devenue, depuis l’Ordonnance n°2017-1718 du 20 décembre 2017 (C. trav. art. L.4162-1), une obligation de négociation en faveur de la prévention des effets de l’exposition à certains facteurs de risques professionnels lorsque :

  • soit la proportion de salariés exposés à ces risques excède 25% ;
  • soit lorsque l’indice de sinistralité AT/MP est supérieur à 0,25 (C. trav. art. D.4162-1)

Cette négociation obligatoire pouvait, à titre facultatif, s’insérer dans la négociation égalité professionnelle et QVT (C. trav. art. L.2242-19).

Avec la « Loi Santé », la faculté de négocier sur « la qualité des conditions de travail, notamment sur la santé et la sécurité au travail et la prévention des risques professionnels » est désormais expressément prévue à l’article L.2242-19-1 du Code du travail.

Cette invitation législative devrait être saisie par les partenaires sociaux en vue d’améliorer la prévention en matière  de santé et de sécurité par des solutions innovantes au plus près des situations de travail réelles.

La prévention de la santé et de la sécurité au travail : des exemples de thèmes de négociation pouvant être explorés en lien avec les compétences du CSE

A l’approche des premiers renouvellements de CSE, il apparaît opportun de faire le lien entre les sujets sur lesquels la négociation pourrait porter et la compétence de cette instance.

Un aménagement de la procédure et des moyens accordés au CSE, lors de consultations ponctuelles ou récurrentes portant sur la prévention en matière de santé et de sécurité au travail, peut ainsi être organisé par la négociation collective.

Aménager la consultation du CSE sur le DUERP et le PAPRIPACT

A titre d’illustration, le CSE d’une entreprise d’au moins 50 salariés devra, à compter du 31 mars, prochain être consulté sur l’évaluation des risques professionnelles contenues dans le DUERP et ses mises à jour.

Le résultat de cette analyse devra être pris en compte lors de l’élaboration du programme annuel de prévention des risques professionnels et d’amélioration des conditions de travail (PAPRIPACT) (C. trav. art. L.4121-3-1).

Ce Programme, qui doit être présenté au CSE dans les entreprises d’au moins 50 salariés lors de la consultation sur la politique sociale de l’entreprise, devra :

  • fixer la liste détaillée des mesures devant être prises au cours de l’année à venir, qui comprennent les mesures de prévention des effets de l’exposition aux facteurs de risques professionnels ainsi que, pour chaque mesure, ses conditions d’exécution, des indicateurs de résultat et l’estimation de son coût ; 
  • identifier les ressources de l’entreprise pouvant être mobilisées ; 
  • comprendre un calendrier de mise en œuvre.

En l’état des textes l’employeur peut, ainsi, procéder seul :

  • à l’évaluation des risques ;
  • à la définition des mesures du PAPRIPACT ;

avant de soumettre le résultat de ses travaux au CSE pour avis.

Dans le cadre d‘une démarche de co-construction, un accord collectif pourrait prévoir l’intervention du CSE, ou de sa CSSCT, dès la phase d’évaluation des risques et, ensuite, dans la définition des actions de prévention et de protection à réaliser qui auront vocation à intégrer le PAPRIPACT.

Cette méthodologie peut s’appuyer sur la version de l’article L 4121-3 du Code du travail applicable à compter du 1er avril prochain, selon laquelle le CSE, son éventuelle CSSCT, le service de prévention et de santé au travail et le ou les salariés en charge des activités de protection et de prévention des risques professionnels contribuent à l’évaluation des risques professionnels dans l’entreprise réalisée par l’employeur.

Aménager la consultation du CSE sur un projet important modifiant les conditions de santé, de sécurité ou les conditions de travail

La consultation du CSE sur un projet d’aménagement important modifiant les conditions de santé, de sécurité ou les conditions de travail impose à l’employeur de lui transmettre une note d’information écrite et détaillée contenant, notamment :

  • un rappel de l’organisation d’origine,
  • une description de l’organisation cible,
  • une analyse des conséquences des changements projetés en matière de santé, sécurité et conditions de travail,
  • une présentation des mesures de prévention des risques et d’accompagnement du changement permettant de passer de l’organisation d’origine à l’organisation cible ainsi que leur temporalité (point de départ et durée).

Or, il peut apparaître difficile, dans certaines hypothèses, d’anticiper de manière suffisamment fine les conséquences du changement projeté en matière de santé et de sécurité et, dès lors, d’élaborer les mesures de prévention des risques et d’accompagnement du changement associées.

La négociation collective peut permettre de remédier à cette difficulté.

Une première méthode pourrait consister, par exemple, à organiser, non plus une consultation, mais les consultations du CSE sur un projet comprenant plusieurs étapes.

Une première étape consisterait à consulter le CSE sur le déploiement d’une phase de tests sur un /des périmètre(s) bien identifié(s) et limité(s) en vue :

  • d’éprouver la faisabilité de l’organisation cible lors de ces tests,
  • d’identifier plus précisément les mesures de prévention des risques et d’accompagnement du changement nécessaires au passage de l’organisation d’origine à la cible à l’aide du résultat de ces tests.

La seconde étape conduirait à consulter le CSE sur le projet finalisé, le cas échéant après une évolution de l’organisation cible initialement projetée, au regard des retours d’expériences issus de la phase de tests.

Une seconde méthode pourrait conduire, par exemple, à aménager une procédure de consultation unique, en y introduisant une phase de co-construction et de simulation de l’organisation cible.

Il s’agirait, dans un premier temps et après information du CSE, d’organiser un processus de co-construction de l’organisation cible avec une représentation des salariés concernés en vue d’essayer d’obtenir l’adhésion du plus grand nombre.

Ensuite, une phase de simulation du travail, comme dans l’organisation cible projetée, serait réalisée avec des salariés concernés afin d’évaluer sa faisabilité en la confrontant à des situations de travail concrètes.

Les résultats de cette simulation pourront, le cas échéant, conduire à réviser l’organisation cible projetée sur laquelle le CSE sera consulté.

Que ce soit dans la première, comme dans la seconde méthode proposée, la négociation collective viendrait donner un cadre à la démarche tests / de co-construction et aux interventions du CSE.

L’entrée en vigueur de la « Loi Santé », qui transpose et enrichit un ANI du 9 décembre 2021, donne, ainsi, l’occasion d’utiliser la négociation collective d’entreprise comme outil permettant d’améliorer la prévention de la santé et de la sécurité au travail.

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Par Sébastien LEROY, Avocat associé, Cabinet ACTANCE AVOCATS