L’irrégularité du forfait et la prise en compte de la rémunération du salarié pour le paiement des heures supplémentaires

responsabilité employeur

Le contentieux des conventions de forfait irrégulières, nulles ou rendues inopposables à l’entreprise ne cesse de se développer. A cette occasion, la Cour de cassation est régulièrement amenée à apporter des précisions sur le sujet, tel que dans sa décision du 16 juin 2021 (Cass. soc., 16 juin 2021, n°20-13.127 ; n°20-13.129).

Rappel des faits

La Cour de cassation a été saisie, dans le cadre de ce contentieux, de la régularité d’une convention de forfait applicable au salarié ainsi que sur le traitement de sa demande de rappel de salaire au titre des heures supplémentaires qui en découlent.  

Le salarié était soumis à une convention individuelle de forfait en heures sur une base hebdomadaire de 38 heures 30 prévoyant un décompte de la durée du travail en jours dans la limite d’un nombre maximal de 218 jours annuels (Modalité 2 Syntec).

Les juges du fond ont constaté que la convention de forfait était inopposable au salarié, dès lors que celle-ci relevait de la modalité 2 Syntec, impliquant alors le nécessaire respect de certaines conditions et en particulier un niveau de rémunération minimum.  

La Cour d’appel a ainsi accueilli favorablement la demande du salarié, considérant que la convention de forfait, contrevenant à la modalité 2 de l’accord Syntec, ne pouvait lui être opposable.  

Le temps de travail du salarié, compte tenu de l’inopposabilité de la convention de forfait, devait alors être décompté sur la base de 35 heures hebdomadaire. Le salarié sollicitait ainsi le rappel de paiement des heures supplémentaires au-delà de cette limite.  

Récemment, les juges du fond avaient considéré que l’employeur ne pouvait raisonnablement soutenir que la perception par le salarié d’une rémunération supérieure au minimum conventionnel dans le cadre de son forfait en heures puisse tenir lieu de règlement des heures supplémentaires (Cass. soc., 12 nov. 2020, n°19-15.173).

Dans cette droite ligne, la Cour d’appel considérait ainsi que le salarié était fondé à solliciter le paiement de rappel de salaire au titre des heures supplémentaires réalisées et ce indépendamment du montant de la rémunération versée dans le cadre du forfait jugé irrégulier.

Réponse de la Cour de cassation

La Cour de cassation a toutefois censuré la position retenue par la Cour d’appel.

Après avoir rappelé les dispositions applicables en matière d’heures supplémentaires (C. trav., L. 3121-22), la Cour de cassation a précisé qu’il convenait, compte tenu de l’inopposabilité d’une convention de forfait, de vérifier :

« si la rémunération contractuelle versée par l‘employeur en exécution du forfait irrégulier n’avait pas eu pour effet d’opérer paiement, fût-ce partiellement, des heures de travail accomplies au-delà de la 35ème heure dans le cadre du décompte de droit commun de la durée du travail ».

Autrement dit, il appartient désormais au juge de vérifier, en présence d’une convention de forfait irrégulière, si la perception d’un salaire supérieur au minimum conventionnel n’a pas entraîné le paiement, au moins en partie, des heures supplémentaires.

Cet infléchissement de la jurisprudence semble démontrer une approche plus pragmatique des effets de l’irrégularité des conventions de forfait par les Hauts Magistrats.

Tout comme l’employeur peut désormais solliciter le remboursement des JRTT quand la convention est déclarée nulle, il est désormais nécessaire pour les juges du fond d’étudier le niveau de rémunération perçu par le salarié.  

Par Chloé Bouchez, Avocate associée et Camélia Bessaoud, Avocate
Cabinet ACTANCE