Contrats responsables : maîtriser la période transitoire dans les entreprises

Anna FerreiraAnna FERREIRA
Avocat du Pôle Retraite et Prévoyance d’Entreprise
FIDAL

La complémentaire santé est un sujet qui occupe actuellement les entreprises avec sa généralisation d’ici au 1er janvier 2016. Dans ce contexte, une autre évolution notable est à prendre en compte, celle de la réglementation des contrats dits « responsables » imposant une vigilance accrue en 2015 sur la couverture santé dans les entreprises.

1) Les enjeux pour les entreprises

Le sésame « contrat responsable » a été créé en 2004 avec la loi Douste-Blazy sur le système de santé qui a vu naitre le parcours de soins, le médecin traitant, les franchises sur les consultations et les boites de médicaments…
Pour ne pas priver d’effet cette réforme de l’assurance maladie, il a fallu réglementer les contrats complémentaires qui sont alors devenus « responsables ».
Après 10 ans d’existence, le cahier des charges à respecter pour recevoir ce label s’est nettement complexifié, ce qui implique de revoir l’ensemble des contrats complémentaires du marché, en particulier les couvertures en place dans les entreprises.

Pour ces dernières et pour leurs salariés, cette qualification emporte certains enjeux non négligeables, notamment :

– l’application du régime social de faveur pour le financement patronal de la couverture santé ;
– pour les salariés, le bénéfice de la déductibilité fiscale de la part salariale au régime obligatoire de son entreprise ;
– le bénéficie d’un taux réduit de Taxe sur les Conventions d’Assurance (7% au lieu de 14 % pour les contrats non responsables).

La date initialement fixée pour l’entrée en vigueur des nouvelles règles était celle du 1er janvier 2015. Néanmoins, compte tenu des difficultés à trouver un consensus notamment sur les remboursements optique, la loi de financement rectificative de la sécurité sociale, votée en août dernier, a reporté cette date au 1er avril 2015, avec une période transitoire plus longue pour les contrats collectifs d’entreprises.

Pour ces derniers, l’obligation de mettre leurs garanties en conformité avec les nouvelles règles intervient lors de l’entrée en vigueur de la prochaine modification de l’acte juridique prévu par l’article L. 911-1 postérieure à la loi du 8 août 2014 et au plus tard jusqu’au 31 décembre 2017 .

Presque quatre mois se sont écoulés pour que le décret fixant le détail du cahier des charges soit finalement publié au JO du 19 novembre . Enfin, une circulaire de la DSS du 30 janvier 2015 vient utilement préciser certaines zones d’incertitudes.

Le paysage réglementaire est désormais complet. Les entreprises doivent maintenant entamer les réflexions, en lien avec leur organisme assureur, pour aboutir à une probable évolution de leur couverture.
Si la période transitoire prévue par les textes semble lointaine, elle est à manier avec précaution.

2) Maitriser la période transitoire

• Disposer d’un acte juridique

La loi de financement rectificative de sécurité sociale du 8 août 2014, qui a instauré la période transitoire pour les contrats collectifs d’entreprise précise qu’elle s’applique jusqu’à la prochaine modification de l’un des actes juridiques prévus par l’article L. 911-1 du code de la sécurité sociale.

Rappelons qu’en application de l’article L. 911-1 CSS, les couvertures complémentaires des salariés sont mises en place soit par accord collectif, soit par ratification à la majorité des intéressés, soit par décision unilatérale remise à chaque salarié. Il s’agit d’une des conditions pour bénéficier du régime d’exonération pour le financement patronal de ces couvertures (art. L 242-1 CSS). Il existe pourtant encore des entreprises qui n’ont pas formalisé l’existence de leur régime. Elles courent donc le risque d’un redressement URSSAF/MSA sur ce seul motif.

De plus, si l’entreprise ne dispose pas de cet acte juridique (ci-après « l’acte fondateur »), elle ne peut pas bénéficier de la période transitoire relative aux nouvelles dispositions des contrats responsables. La loi prévoit en effet que peuvent bénéficier de la période transitoire les contrats qui résultent « d’une obligation déterminée par un des actes mentionnés à l’article L 911-1 ».

Ainsi, une entreprise qui n’a pas d’acte fondateur dont le contrat d’assurance est néanmoins en cours au 1er avril 2015, devra se conformer aux nouvelles règles lors du prochain renouvellement du contrat d’assurance, soit en règle générale le 1er janvier 2016 (application des dispositions propres à chaque type d’organismes assuranceur).

• Incidence d’une modification de l’acte fondateur

En premier lieu, sauf cas particuliers tenant à des obligations issues de la convention collective, la DSS a précisé que toute modification de l’acte fondateur est susceptible de remettre immédiatement en cause la période transitoire. Il en va ainsi, si la modification concerne par exemple les catégories objectives ou les règles de la portabilité. Une précision notable est apportée par l’Administration concernant l’évolution des cotisations. Si cette dernière se fait en application d’une clause d’indexation contenue dans l’acte fondateur, elle ne remet pas en cause le bénéfice de la période transitoire.

Ensuite, la date à laquelle intervient la modification revêt une importance majeure, car plusieurs situations sont à distinguer :

– modification entre le 9 août 2014 et la parution du décret du 19 novembre 2014 : pas de remise en cause de la période transitoire. La circulaire du 30 janvier 2015 contient une tolérance destinée à neutraliser les modifications qui seraient intervenues avant la parution du décret du 18 novembre. Cette précision était nécessaire car l’application littérale de la loi du 8 août 2014 aboutissait à une situation curieuse.

– modification entre le 19 novembre 2014 et le 31 mars 2015 : la période transitoire n’est pas applicable. Cependant, si un contrat d’assurance est bien en cours au 1er avril 2015, la mise en conformité devra intervenir lors de la prochaine échéance du contrat, soit en principe le 1er janvier 2016.

– modification intervenant à compter du 1er avril 2015 : le bénéfice de la période transitoire tombe. La mise en conformité doit être réalisée à la date d’entrée en vigueur de cette modification.

En l’absence de modification de l’acte fondateur, la période transitoire expire en toute hypothèse le 31 décembre 2017.

3) Aménager la couverture existante

Les niveaux de garantie aujourd’hui en vigueur dans beaucoup d’entreprises dépassent les nouveaux plafonds de remboursement imposés par le nouveau contrat responsable. On rencontre également la situation dans laquelle il existe des garanties collectives à adhésion obligatoires auxquelles s’ajoutent des options facultatives que les salariés peuvent choisir de souscrire et qu’ils financent seuls. L’addition de la garantie minimale et des options peut aboutir au dépassement des nouveaux plafonds.

Une solution pour conserver globalement le même niveau de garanties pour les salariés peut consister à scinder la couverture actuelle en plusieurs contrats d’assurance distincts :

– un contrat socle dont les garanties seront strictement conformes aux nouvelles exigences ;

– un ou plusieurs contrats surcomplémentaires comportant les garanties qui dépassent les plafonds de la nouvelle réglementation.

En effet, l’administration précise dans la circulaire du 30 janvier 2015 que le respect des critères de responsabilité s’apprécie contrat d’assurance par contrat d’assurance. Ainsi, en présence de contrats juridiquement distincts, le contrat socle conforme ne sera pas disqualifié en contrat « non responsable » même si l’addition de ses garanties avec celles du ou des contrats surcomplémentaires dépassent les plafonds prévus. Seuls le ou les contrats surcomplémentaires seront qualifiés de non responsables.

En revanche, un contrat avec des options individuelles est un contrat unique. Le respect des critères doit alors être regardé en globalisant l’ensemble des garanties qui peuvent être souscrites. D’où, dans certains cas, un intérêt évident à scinder le régime.

Conclusion : la loi donne l’impression aux entreprises qu’elles ont le temps pour se mettre en conformité avec les nouveaux critères des contrats responsables. En réalité, elles doivent rester vigilantes car il semble difficile de ne pas faire évoluer du tout une couverture santé pendant trois ans, en particulier dans le contexte de la généralisation de la complémentaire santé qui sera effective au 1er janvier 2016.

1 Commentaire

  • Merci pour cet article très complet.
    Effectivement, la parution tardive des décrets, les nouvelles dispositions de la loi sur la sécurité sociale, la notion de période transitoire, les produits d’assurances encore rares, nous laissent perplexes et font repousser l’échéance d’une bonne analyse du dossier. La communication auprès de nos salariés n’en est que plus diffuse, de peur de mal faire.
    A cela s’ajoute le risque de requalification de l’Urssaf !
    Ce contexte réglementaire est-il bien nécessaire? alors que le sujet pourrait être perçu comme une amélioration de la relation de travail.

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