Interview d’Anne-Laure Dodet

Anne-Laure Dodet
Avocat spécialisé en Droit social, Département Droit social
CABINET FIDAL

Quelques rappels pour sécuriser le règlement intérieur

L’évolution législative et jurisprudentielle impose aux employeurs de mettre à jour le règlement intérieur, faute de quoi les sanctions disciplinaires qu’ils notifient pourraient être contestées.

1. Le règlement intérieur et les règles générales et permanentes en matière disciplinaire

L’objet du règlement intérieur est, notamment, celui de fixer les règles générales et permanentes relatives à la discipline (art. L. 1321-1 du Code du travail). Sous le contrôle du juge, l’employeur est autorisé à prendre des sanctions disciplinaires motivées par la violation de ces dispositions.

Des formalités sont prévues par l’article L. 1321-4 du même Code. Ainsi, le règlement intérieur doit être au préalable soumis pour avis aux représentants du personnel (CHSCT et comité d’entreprise), adressé à l’inspecteur du travail et déposé au greffe du conseil de prud’hommes. Les notes de services entrant dans le champ du règlement intérieur y sont également soumises (art. L. 1321-5).

Le respect de ces formalités entraîne l’opposabilité du règlement intérieur aux salariés.

Mais la Cour de cassation vient de tirer les conséquences du défaut d’accomplissement de ces formalités, ou de l’impossibilité de rapporter la preuve de leur accomplissement par l’employeur.

En effet, elle a jugé que « le règlement intérieur et les notes de service qui le complètent ne peuvent produire effet que si l’employeur a accompli les diligences prévues par l’article L. 1321-4. S’il ne justifie pas avoir préalablement consulté les représentants du personnel et communiqué le règlement à l’inspecteur du travail, l’employeur ne peut reprocher à sa salariée un manquement aux obligations édictées par ce règlement et par une note de service » (Cass. Soc, 9 mai 2012, n° 11-13687).

La Cour de cassation l’avait déjà jugé, mais dans un arrêt assez ancien. Cette décision concernait des modifications apportées au règlement intérieur sans consultation des représentants du personnel et donc « restées sans effet » (Cass soc, 4 juin 1969, n° 68-40377).

Ainsi, un règlement intérieur qui n’a pas fait l’objet d’une consultation des représentants du personnel et d’une transmission à l’inspecteur du travail est inopposable aux salariés. Dès lors, un licenciement, fondé sur la violation par le salarié d’une disposition de ce document, sera déclaré sans cause réelle et sérieuse.

Par exemple, la violation par le salarié d’une note de service prescrivant à peine de sanction disciplinaire la procédure à suivre pour l’utilisation d’un véhicule de service ne pourra pas être sanctionnée si la note de service n’a pas au préalable fait l’objet des formalités précitées.

En revanche, la Cour de cassation avait jugé que « la carence de l’employeur dans l’accomplissement de la formalité de communication du règlement intérieur à l’inspection du travail ne privait pas le salarié de la possibilité de se prévaloir de ce règlement » (Cass soc, 28 mars 2000, n° 97-43411).

Cela signifie que, lorsque les formalités n’ont pas été accomplies, un règlement intérieur est inopposable au salarié mais opposable à l’employeur ! Ainsi, si ce document prévoit des garanties procédurales en faveur du salarié et que l’employeur ne les a pas respectées, le licenciement sera sans cause réelle et sérieuse, même si les formalités n’ont pas été accomplies (Cass. soc. 10 janvier 2012 n° 10-15.831).

Il est donc conseillé aux employeurs de vérifier que le règlement intérieur a fait l’objet de ces formalités et qu’une trace en a été conservée.

2. Le règlement intérieur et les sanctions disciplinaires

Le règlement intérieur fixe également la nature et l’échelle des sanctions que peut prendre l’employeur.

Une attention particulière doit donc aussi être portée à la rédaction des sanctions que l’employeur peut notifier.

En effet, la Cour de cassation juge que « dès lors que le règlement intérieur fixe les règles générales et permanentes relatives à la discipline, notamment la nature et l’échelle des sanctions que peut prendre l’employeur, une sanction ne peut être prononcée contre un salarié que si elle est prévue par ce règlement intérieur » (Cass. soc. 26 octobre 2010, n° 09-42.740).

Il résulte de cette décision qu’une sanction non prévue par le règlement intérieur ne peut pas être notifiée par l’employeur et serait, le cas échéant, annulée par les juges.

Il est donc opportun de mentionner à minima l’avertissement, la mise à pied disciplinaire, la mutation géographique ou fonctionnelle disciplinaire, la rétrogradation disciplinaire accompagnée d’une diminution de la rémunération et assortie d’un changement de poste, et le licenciement disciplinaire (faute, faute grave, faute lourde).

Précisons que s’agissant spécifiquement de la mise à pied disciplinaire, la Cour de cassation a indiqué que, non seulement, elle devait être prévue par le règlement intérieur, mais qu’en outre sa durée maximale devait être fixée (arrêt précité du 26 octobre 2010).

La décision du 26 octobre 2010 ne concerne pas le licenciement, sanction ayant une existence légale (article L. 1232-1 du Code du travail).

3. Le règlement intérieur et la procédure disciplinaire

Enfin, il convient de mettre à jour le règlement intérieur pour adapter la procédure disciplinaire.

Rappelons, en effet, que l’article 48 de la loi n° 2012-387 du 22 mars 2012 relative à la simplification du droit et à l’allègement des démarches administratives a modifié le délai minimum que l’employeur doit respecter après la tenue de l’entretien avant de notifier une sanction disciplinaire. Ce délai n’est plus de un jour franc mais de deux jours ouvrables (article L. 1332-2).

Le règlement intérieur devra être modifié sur ce point.

En outre, il doit également être modifié pour tenir compte d’une exigence formulée par la Cour de la cassation dans un arrêt rendu le 3 mai 2011 (Cass. soc. 3 mai 2011 n° 10-14.104). En effet, selon cette décision, si l’employeur n’est en principe pas tenu de convoquer le salarié à un entretien avant de lui notifier un avertissement, il en va autrement lorsque, au regard des dispositions d’un règlement intérieur, l’avertissement peut avoir une influence sur le maintien du salarié dans l’entreprise.

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